« Ache est ce moment où la douleur ne disparaît pas mais se transforme, et où l’on réalise que sentir encore… c’est déjà une forme de survie. »
Il y a des groupes qui avancent en ligne droite, et puis il y a ceux qui, comme Highroad No. 28, évoluent par secousses, par mues successives, chaque disque étant une mèche craquante qui annonce la suivante. Avec Ache, premier fragment de leur prochain album The Will to Endure, les Australiens signent l’une de leurs métamorphoses les plus saisissantes : un virage vers l’ombre, le grain nocturne, le rock qui pulse comme un souvenir impossible à éteindre.
Le morceau se suspend d’abord dans un souffle : guitare cinématique, presque spectrale, qui déroule un paysage désertique où chaque note semble retenue par une gravité nouvelle. Puis la voix surgit, blessée mais d’une précision chirurgicale, comme si chaque syllabe avait été trempée dans l’acide d’un amour perdu. On y entend cette fatigue si particulière des sentiments qui ne meurent pas, cette brûlure lente qui consume sans bruit. Pas de grand lyrisme, pas d’emphase : juste une honnêteté sèche, presque coupante.
En studio à Sing Sing, le groupe semble avoir trouvé le parfait point d’équilibre entre densité et sobriété. Les guitares ne rugissent jamais pleinement ; elles orbitent, rôdent, chargées d’électricité contenue. La basse, elle, s’enfonce profondément, traçant comme une ligne de faille émotionnelle sous les couplets. James Taplin, au mix, sculpte un espace où tout respire : un rock lourd mais jamais étouffant, tendu sans être théâtral.
On sent Highroad No. 28 chercher quelque chose de plus adulte, de plus dénudé. Là où leurs précédents projets cherchaient l’impact, Ache cherche la résonance. Le groupe renonce aux certitudes de l’alt-rock musclé pour laisser la place à un trouble plus mature, un romantisme abîmé qui tire autant du post-grunge que de la darkwave cinématographique. C’est cette nuance, cette volonté d’habiter le gris plutôt que le noir ou le blanc, qui rend le morceau aussi obsédant.
L’“ache” dont il est question n’est pas une déchirure immédiate : plutôt un fantôme. Quelque chose qui persiste au réveil, dans la lumière d’un matin que l’on voudrait oublier. La manière dont le morceau s’ouvre, respire et retombe rappelle ce moment suspendu après une rupture, quand le monde continue mais que le corps refuse encore d’y croire. Le refrain, lui, n’explose pas : il se fissure. Il tient dans la gorge, à mi-chemin entre aveu et capitulation.
Highroad No. 28 semble ici entrer dans une nouvelle ère : celle où l’endurance devient esthétique, où la vulnérabilité devient moteur, où le poids de l’émotion ne se fuit plus mais se contemple. Si The Will to Endure suit cette direction, il pourrait bien devenir l’un de ces disques charnières, les albums qui marquent un groupe autant qu’une génération d’auditeurs.
Ache ne cherche pas à panser quoi que ce soit. Il accepte. Il regarde en face. Et dans cette lucidité brûlante, dans ce tremblement maîtrisé, Highroad No. 28 atteint une intensité rare : celle des chansons qui mettent du temps à guérir, parce qu’elles touchent exactement là où ça faisait déjà mal.
Pour découvrir plus de nouveautés ROCK, n’hésitez pas à suivre notre Playlist EXTRAVAROCK ci-dessous :
