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Giuseppe Cucé débarque avec « 21grammi »

Giuseppe Cucé débarque avec « 21grammi »
  • Publisheddécembre 5, 2025

« Un disque qui avance comme un souffle revenu de loin, portant le poids invisible de tout ce qui nous survit. »

Il existe des albums qui se contentent d’accompagner une humeur, et d’autres qui ouvrent une brèche. 21grammi, deuxième long format de Giuseppe Cucé, appartient à cette seconde catégorie : un travail à la fois intime et cosmique, ancré dans la chair mais tendu vers quelque chose de plus haut, de plus flou, de plus essentiel. C’est un album qui ne cherche pas à convaincre — il cherche à dire vrai. À dire la matière de l’âme, ce qu’il en reste après les effondrements silencieux et les renaissances qui brûlent lentement.

Cucé compose ici un autoportrait en clair-obscur, un journal traversé par la perte, l’identité fracturée, la fatigue émotionnelle contemporaine, la solitude amplifiée par nos vies digitales. Mais au lieu de se laisser happer par ces grondements, il les tient à distance juste assez pour en extraire une musique douce-amère, où la lumière ne triomphe jamais totalement mais refuse obstinément de s’éteindre.

Son écriture s’inscrit dans une lignée claire — Battiato, Dalla, Niccolò Fabi — avec ce mélange unique d’intellectualité méditerranéenne, d’ironie tendre et de gravité assumée. Mais 21grammi parle aussi une langue internationale : on y entend les silences déchirés de Damien Rice, les textures introspectives de James Blake, les tremblements atmosphériques de Bon Iver. L’ensemble dessine un disque d’une cohérence saisissante, où les orchestrations analogiques dialoguent avec des nappes électroniques discrètes, où chaque piste respire, hésite, puis avance.

Et puis il y a les chansons — ce noyau brûlant autour duquel tout tourne.

È tutto così vero ouvre l’album comme une gifle douce. On y entend ce moment où la vérité, trop longtemps contenue, finit par déborder. La voix de Cucé glisse, se brise, se relève, dans un arrangement qui semble chercher ses propres appuis, entre piano retenu et percussions qui bouillonnent sous la surface.

Ventuno, cœur battant et colonne vertébrale du disque, incarne le souffle même du projet : un morceau qui monte comme une pulsation, d’abord fragile comme une respiration inquiète, puis ample, urgent, presque transfiguré. C’est un chant adressé à l’intérieur, une méditation sur ce qui reste quand le monde s’efface. Une chanson qui pèse ses 21 grammes avec une délicatesse féroce.

Dans Dimmi cosa vuoi, Cucé revient à une tonalité plus terrienne : guitare claire, tension contenue, une demande qui n’attend peut-être pas de réponse. Le morceau installe une dramaturgie subtile, où les non-dits se devinent entre les lignes, porté par une interprétation d’une sobriété remarquable.

Fragile equilibrio fait exactement ce que son titre promet. C’est le moment où tout vacille, où la corde se tend, où l’on avance avec la certitude que chaque pas pourrait rompre quelque chose. L’arrangement s’amuse à créer ces micro-fractures : claviers fantomatiques, contretemps presque imperceptibles, voix qui oscille entre assurance et fragilité pure.

Avec La mia dea, le disque s’ouvre brièvement vers une dévotion lumineuse — un hommage amoureux teinté d’une douceur presque sacrée. On y entend l’influence de la chanson italienne la plus classique, mais détournée avec finesse pour éviter toute facilité. C’est une éclaircie.

Cuore d’inverno replonge dans une saison intérieure plus rude : c’est l’un des morceaux les plus visuels de l’album. On y perçoit le froid, la lenteur, les gestes minuscules d’un cœur qui se protège. L’orchestre de TRP Studios y joue un rôle essentiel, donnant au titre une densité presque cinématographique.

Tutto quello che vuoi retrouve une forme de mouvement : une pop orchestrale élégante, sincère, qui semble vouloir rassurer autant qu’elle questionne. La chanson avance avec un balancement apaisé, comme si Cucé retrouvait peu à peu une direction possible.

Puis arrive Una notte infinita, bijou nocturne, confession dite dans une pénombre bleue. Le morceau se déploie lentement, comme si chaque note hésitait à rompre le silence. Il s’agit peut-être du plus beau moment du disque : un espace suspendu où l’on se reconnaît immédiatement, tant la vulnérabilité y est offerte sans fard.

Enfin, Di estate non si muore clôt l’album comme une épiphanie tranquille : un retour à la lumière, non pas triomphante, mais chose retrouvée, fragile, presque nouvelle. On n’en sort pas indemne, mais étrangement apaisé.

21grammi est l’œuvre d’un homme qui a appris que la vérité pèse, que la mémoire brûle, mais que la musique peut en faire un lieu habitable. Un album où chaque respiration compte, où chaque arrangement semble posé comme une pierre sur un chemin intime, où chaque silence dit ce que les mots n’oseraient pas.

Un disque qui mesure ce que l’on perd, mais surtout ce que l’on gagne en revenant vers soi.

Pour découvrir plus de nouveautés du moment, n’hésitez pas à suivre notre Playlist EXTRAVANOW ci-dessous :

Written By
Extravafrench

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