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Music Pop Rock

Pisgah explose les certitudes sur “Faultlines”

Pisgah explose les certitudes sur “Faultlines”
  • Publisheddécembre 5, 2025

« Un disque comme un séisme intime où chaque rupture devient un territoire nouveau à habiter. »

On entre dans Faultlines comme on poserait le pied sur un sol qui n’a jamais cessé de trembler. Pisgah — l’alter ego musical de Brittney Jenkins — ne cherche pas à rassurer : elle ouvre des brèches. Elle y plante des mots, des images, des ombres, et laisse la lumière s’y infiltrer avec une lenteur presque sacrée. Le disque n’offre pas un simple récit de survie, mais la cartographie poétique de ce moment où l’on comprend que s’effondrer n’est pas un échec, mais une manière radicale d’habiter pleinement sa propre vie.

Ce deuxième album, enregistré dans l’intimité nue de son home studio londonien et sculpté par le mix d’Austin Duszynski, ressemble à une première fois — une mue définitive, un dévoilement. Pisgah y est telle que les disques rares savent l’être : sans filtre, sans défense, mais architecte de son propre chaos. On entend la voix d’une femme qui retourne sa vie comme une carte du ciel, qui accepte que certaines constellations n’existent plus, et qui trace de nouvelles routes dans l’espace noir.

Dans Cumulonimbus, le morceau qui ouvre la marche, la voix de Pisgah se hisse comme un nuage d’orage qui hésite encore entre la pluie et la révélation. Tout y est suspendu, fragile, chargé. Les guitares y respirent comme un animal blessé, les textures s’élargissent en halos, et le morceau semble posséder son propre climat intérieur. On y sent la fascination de Jenkins pour les photographies de Crewdson : des lieux vides, hantés, mais où quelque chose d’indiciblement humain attend de pouvoir se dire.

Favor, plus resserré, plus fiévreux, explore la dynamique étrange entre ce qu’on accepte de porter et ce qu’on laisse tomber. Il y a une tension douce-amère dans le timbre, une colère retenue, un refus élégant de rejouer les mêmes scènes. La production évoque ces disques américains qui savent transformer les regrets en paysages. On y retrouve Jason Molina en filigrane, comme un fantôme discret qui encouragerait Pisgah à suivre ses intuitions jusqu’au bout.

Avec Bone to Pick, l’album prend un tournant plus abrupt : la guitare grince, la batterie presse, et la voix devient presque incisive. Pisgah chante comme quelqu’un qui a trop longtemps cherché à ménager les autres. On y perçoit une forme de libération nerveuse, une façon d’arracher d’anciens fils, de respirer plus violemment. L’influence de Laura Stevenson se devine dans la clarté mélodique, celle de Chelsea Wolfe dans l’ombre qui rôde derrière.

5ft2, petite bombe émotionnelle, s’empare du corps, de la taille, de la présence physique et symbolique. C’est un morceau qui serre la gorge, parce qu’il parle de se sentir minuscule dans un monde qui exige d’être vaste. Pisgah y chante bas, presque à voix cachée, comme si la confession devait rester entre elle et l’auditeur.

Splintering, splendide déflagration contenue, fait entendre le moment précis où l’on se fracture — pas avec la violence d’un cri, mais avec la précision d’un éclat qui se détache. C’est un morceau sculptural, pensé comme un geste artistique autant qu’un geste musical. On y entend Woodman, Mendieta, la poussière des années et le souffle d’une femme qui refuse de disparaître dans l’ombre de son histoire.

Puis vient Bend to Break, sommet fragile, morceau déjà révélé en single, traversé par cette vérité brutale : il arrive un moment où se plier ne suffit plus. La voix y tremble comme une corde tendue, les arrangements s’y font plus larges, presque océaniques. C’est le morceau qui définit peut-être le mieux la philosophie de Faultlines : accepter l’instant où l’on casse, parce qu’il ouvre sur une reconstruction plus juste.

Avec Out of the Gate, Pisgah accélère, respire différemment, laisse entrer une détermination qu’on ne voyait pas venir. Une sorte de galop intérieur, d’urgence calme. Le morceau est court mais tranchant, comme une décision prise dans la bruine.

Enfin, Song for Jason Molina (Cold Rain) referme l’album comme une lettre qu’on n’avait jamais osé poster. C’est un hommage bouleversant, mais aussi une conversation imaginaire entre deux âmes qui ont appris la vulnérabilité à la dure. Les gouttes de pluie du titre semblent tomber directement sur le cœur.

Faultlines n’est pas un disque de consolation. C’est un disque d’arpenteuse de ruines, de reconstruction lente, de courage discret. Un album hanté, habité, levé contre le vide. Pisgah ne cherche pas le spectaculaire ; elle offre l’essentiel : un espace où la fragilité devient une géographie à explorer.

Un disque à écouter seul, tard, quand tout se tait et que le sol tremble encore un peu.


Instagram : https://www.instagram.com/pisgahmusic/
Site officiel : https://pisgahmusic.com

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Extravafrench

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