« Avec Fuck Man, Meghanne Storey écrit le moment précis où la résignation cesse d’être polie et devient une forme de liberté. »
Il y a des titres qui prennent leur temps pour amadouer l’auditeur. Fuck Man, lui, arrive déjà en retard à la discussion. Pas de préambule, pas d’excuses. Le morceau débarque comme une phrase qu’on n’osait pas dire à voix haute et qui, une fois prononcée, change définitivement la dynamique. Meghanne Storey ne cherche ni la posture ni la punchline gratuite : elle choisit la vérité brute, celle qui pique un peu, mais qui soulage beaucoup.
Musicalement, le morceau avance sur un fil tendu entre la confession folk et l’ombre persistante du grunge. La voix, légèrement voilée, porte une fatigue émotionnelle qui rappelle ces grandes conteuses capables de faire trembler une salle sans hausser le ton. On pense à Natalie Merchant pour cette manière de raconter sans surjouer, à Sarah McLachlan pour la vulnérabilité assumée, mais aussi à l’héritage plus rugueux de Soundgarden ou Alice in Chains, qui plane dans les silences et les tensions retenues.
La production fait un choix courageux : ne rien lisser. Pas d’artifice, pas de retouche cosmétique. Le morceau respire comme une prise live prolongée, avec cette sensation que chaque instrument écoute la voix avant de jouer. La basse et le violon se glissent dans les interstices émotionnels, la guitare trace des lignes discrètes mais décisives, la batterie reste humaine, presque fragile. On sent l’espace, les murs, l’air du studio. Tout sonne vrai, parfois inconfortable, mais toujours nécessaire.
Ce qui frappe surtout, c’est la posture de Meghanne Storey face à la douleur. Fuck Man n’est pas une chanson de vengeance ni un règlement de comptes spectaculaire. C’est le moment d’après. Celui où la colère est déjà passée, où il ne reste qu’une lucidité un peu amère, presque tendre malgré elle. Une acceptation qui n’a rien de résigné, mais qui marque une reprise de contrôle. Dire « fuck » ici, ce n’est pas insulter : c’est se libérer.
Dans un paysage indie souvent obsédé par l’esthétique ou l’ironie, Meghanne Storey choisit la frontalité émotionnelle. Elle ne cherche pas à plaire à tout le monde et le sait très bien. Comme elle le dit elle-même, tout le monde n’aime pas les tomates. Mais celles et ceux qui aiment ce goût-là reconnaîtront immédiatement la saveur.
Fuck Man s’impose comme un single rare, parce qu’il ne triche jamais. Une chanson qui ne demande pas l’adhésion, mais l’écoute attentive. Et qui, sans en avoir l’air, rappelle que la musique la plus puissante reste souvent celle qui accepte de montrer ses fissures plutôt que de les masquer.
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