La première écoute de Where is my baby? donne l’impression d’être projeté en pleine nuit dans un club fantôme, quelque part entre Bagdad et Berlin. Pas de préambule, pas de mise en condition : les percussions cognent comme des portes qu’on claque, la basse vrombit comme un moteur de fuite, et déjà, on comprend qu’on est entré dans une zone où la musique ne rassure pas — elle secoue.
Sheykh Forever, alias Mostafa Al, a toujours aimé brouiller les lignes temporelles, jonglant entre le disco hérité des seventies, les effluves d’indie-pop hypnagogique et des éclats de rock lourd. Ici, il va plus loin : Where is my baby? se vit comme une montée paranoïaque, un groove au bord de la rupture. C’est un morceau qui tremble de partout mais ne cède jamais, maintenu par une urgence vitale.
KER, en invitée spectrale, installe une fragilité bouleversante. Sa voix fend l’espace, posée comme une supplique qui plane au-dessus de la tempête instrumentale. Ce contraste — l’impétuosité des machines contre l’évanescence d’un cri — fait toute la force du morceau. On pense à Yves Tumor pour la brutalité élégante, à Massive Attack pour la pesanteur viscérale, mais Sheykh Forever refuse la citation : il forge son propre territoire.
La production, entièrement bricolée dans son antre analogique, transpire le refus du lisse. Saturations, découpes, nappes triturées : chaque son porte la marque d’un geste artisanal. Le résultat n’est pas seulement un single dansant mais un exorcisme sonore, une tentative de transformer la peur et la perte en pulsations physiques.
Avec Where is my baby?, Mostafa Al érige une cathédrale de tensions, où chaque accord sonne comme une question sans réponse. Si l’album à venir garde cette intensité, on pourrait bien tenir l’un des projets les plus déroutants et nécessaires de l’année.
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